Présentation
Au cœur du spectacle
Synopsis
Septembre 1918. Dans ce village du Languedoc blotti entre les vignes, non loin des étangs, la récolte s’annonce prometteuse. Pourtant, pour la quatrième année consécutive, Justinien Poujol ne sera pas là. Mobilisé en 1914, sur le front entre Amiens et Château-Thierry dans la Marne. L’absence est lourde pour ceux qui attendent ; leur quotidien est fait d’inquiétude, d’angoisses mais aussi d’espérance. Les bras des femmes, des anciens, peinent aux tâches matérielles mais les lourdes grappes bien mûres d’Aramon et de Carignan ne sauraient attendre…
Au nord, loin de la douceur de Septembre qui baigne le Midi, c’est un quotidien de boue, de peur, de feu qui rythme la vie des soldats. Justinien le vigneron, Justinien le laboureur, Justinien dont la terre est le quotidien, la découvre brûlée, martyrisée, ne faisant qu’un avec tous ces hommes enfouis dans les tranchées. Cette terre de France pour qui tant de camarades sont déjà tombés…
A l’orée de l’automne qui vient, « Vendanges sans toi » nous propose le temps d’un spectacle, d’entendre tous ces hommes, toutes ces femmes. Sur le front, Justinien le vigneron, le lieutenant Moïse Vernet, Fleury Barthes, le jeune Alexandre et ses vingt ans… A l’arrière, Gabrielle la femme de Justinien, son père Lubin, Marthe la jolie chanteuse qui, le temps d’un refrain, nous fait oublier le tragique du quotidien…
Absence
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LUBIN : …Tu sais on pourrait tirer un meilleur parti de la petite vigne du Mas Blanc… Il y a des manques, c’est bouffé par l’escat… Ah, si on avait pu replanter avant le retour de Justinien … Mais qu’est ce que tu veux on ne peut pas être partout…
GABRIELLE : Ca attendra papa … Tu en fais déjà bien assez
LUBIN : Et tu pas res… Montre-moi tes mains… (Il prend les mains de sa fille) Elles sont bien remplies les journées…La maison, les enfants, les vignes… Et la machine sur le dos quand il fallut soufrer en Mai… Oï tu t’es coupée
GABRIELLE : Ce n’est rien… C’est hier à Lansire quand on a fait l’Alicante… Un moment de distraction et crac…
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Le Front
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JUSTINIEN POUJOL : On en voit des choses en quatre ans mon lieutenant… Je commence à en avoir un sadoul… Avant-hier de nouveau c’était dur …J’ai bien cru qu’on allait y rester…
LIEUTENANT VERNET : Oui ce fut dur Poujol… Ce fut dur mais j’ai bon espoir… Sur la ligne Hindenburg les Allemands abandonnent leurs défenses. L’armée du général Gouraud a fait plus de 4 000 prisonniers sur le plateau de Grateuil et les alliés se rapprochent de Sedan…
JUSTINIEN POUJOL : Sedan …Une belle Arrête dans la gorge des Français.
LIEUTENANT VERNET : Oui… Mais aujourd’hui la revanche est là Poujol ; à portée de main…
JUSTINIEN POUJOL : La revanche oui… Mais à quel prix mon lieutenant…
LIEUTENANT VERNET : C’est le prix de la liberté Poujol. De notre liberté… Défendre notre pays Poujol c’est défendre les siens, ses enfants, sa femme son village, ses coutumes… Sa petite patrie en quelque sorte.
Il y a quelques jours j’ai appris la mort du lieutenant Roland Garros. Son avion a été abattu par un Fokker au-dessus de saint Morel. Et bien voyez-vous Poujol d’un homme exceptionnel comme lui jusqu’au plus anonymes des poilus, quand tout cela sera terminé, les générations futures ne devront jamais oublier leurs sacrifices. Jamais
JUSTINIEN : Il faut l’espérer mon lieutenant
LIEUTENANT VERNET : Vous avez des enfants Poujol ?
JUSTINIEN POUJOL : Un garçonnet de 10 ans… (Un temps. Saisi par l’émotion) D’y penser c’est pénible…
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FLEURY BARTHES : …. Alors moi je lui dis « Mais mon capitaine, vous ignorez sans doute le danger qu’il y a à travailler en plein jour dans cette partie de tranchée… Elle est en vue des boches, prise en enfilade par une mitrailleuse. Il y a eu déjà des blessés mon capitaine. Hier le soldat Bordenave même en marchant courbé a eu le casque traversé par une balle… »
« Obéissez ! » qu’il me gueule « Obéissez ! »
Je l’ai regardé dans les yeux, je lui ai répondu : « J’ai aussi à obéir à ma conscience mon capitaine. La nuit ou avec le brouillard, je ferai ce que vous voudrez ; mais pas de jour, non, non ! Je me refuse à risquer inutilement la vie de mes hommes !
Il était furieux… On était là tous les deux, à se regarder dans les yeux…
Moi qui le défiais, lui exaspéré…
« Vous serez puni Barthés ! Vous serez puni ! ». Il a tourné les talons…
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Dormir, Rêver…
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ALEXANDRE JALABERT : Ce qui me manque c’est mon piano… Poser mes mains sur les touches de mon piano… A Paris pas un dimanche ne passe sans que j’aille au Bal Tabarin. J’écoute chanter Polin, Nine Pinson …
En Mai, avant d’être mobilisé, j’ai assisté au récital de Marthe Chevallier. Ah quel choc, quelle émotion…
Essayez d’imaginer : La scène, le rideau rouge du théâtre….
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Elle apparait… ses cheveux écarlates ruissellent sur sa peau blanche…Elle chante…
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Quand la guerre sera finie j’irai la trouver, je lui dirai : « Mademoiselle j’ai écrit cette chanson pour fêter la victoire et aussi pour célébrer votre beauté ».
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L’Eclaircie
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JUSTINIEN :(S’adressant à Jalabert)
Dépêche-toi sinon tu vas rater ta correspondance pour Paname
PIALOT : C’est le grand jour !
ALEXANDRE JALABERT : (Radieux) C’est le grand jour
FLEURY BARTHES: Matez les veinards qui se font la belle
JUSTINIEN : Je finis de mettre de l’ordre dans mon barda et puis hop ! Un grand coup de Mistral et me voilà entre les vignes et les Etangs
LIEUTENANT VERNET : Du Mistral sur la Meuse… Les leçons de géographie du soldat Poujol
FLEURY : T’as forcé sur la gnole Poujol
JUSTINIEN : La gnole... ?! Es una potinga d'apothicaire tan val que prefere lo vin... Rires. Bonne humeur
FLEURY : (A Jalabert) C’est la maman qui va être contente…
ALEXANDRE JALABERT : Ah ça vous pouvez le dire, elle va être heureuse
JUSTINIEN : Oubliée la roulante ! Fini le rata tout froid, les haricots pas cuits, fini le jus de chaussette ! Un bon civet de lapin arrosé d’une bonne bouteille de rouge…
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Demain le Printemps ?
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LUBIN : Ça c’est le porte greffe ; bon. Et ça c’est le greffon. Alors tu vois tu prends ton greffon et avec le couteau tu le tailles en biseau … Comme quand tu tailles ton crayon à l’école. Ensuite tu fais une entaille dans le porte greffe – tu vois je l’ai déjà faite l’entaille - et tu vas, sans trop « quicher » glisser le greffon dans cette entaille… Et après alors on ligature bien avec un petit cordon. Tu le recouvres avec de la terre et…
LOUIS : Et ça va pousser quand pépé ?
LUBIN : Et au printemps bien sûr. Au printemps ça va débourrer…
LOUIS : Débourrer ?
LUBIN : Eh oui, c’est quand les bourgeons s’ouvrent… On voit apparaitre la bourre… La bourre tu vois c’est un petit duvet très doux… (Il lui caresse la Joue) Et ça, ça deviendra les feuilles de la vigne… Et ensuite la floraison… Et puis les raisins qui commencent à apparaitre, ils arrivent à maturité et… (Il s’interrompt et le sollicite)
Et puis ? Qu’est-ce qui se passe après ?
LOUIS : La vendange !
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Lettre
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GABRIELLE : (Lisant une lettre à Louis)
« Mon cher petit Louis, tu viens d'avoir neuf ans, je crois que c’est le plus émouvant des âges… Tu es trop jeune encore pour participer à la guerre, mais tu es assez grand pour te souvenir… »
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« Vénère ta mère Louis. Protège-la. Sois demain pour elle ce qu’elle est aujourd’hui pour toi : le tuteur qui soutient et aide à grandir le pied de vigne… »
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Révolte
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FLEURY : Avancer ?! Encore avancer ?! On est resté neuf heures avec le barda sur le dos à patauger dans la boue, on est trempés jusqu’aux os…
JUSTINIEN : J’en ai plein les bottes. Un vrai pesolhos.
FLEURY : On se fait bouffer par les rats toute la nuit. On n’a pas fermé l’œil… (Il se gratte violemment)
Toute cette crasse bon Dieu ! Et cette vermine qui te ronge la peau…
JUSTINIEN : L’élevage de poux … Je vais me lancer dans l’élevage de poux moi
FLEURY : (Violemment) Ca va Poujol ! Ta gueule !
VERNET : Calmez-vous Barthes.
FLEURY : Ça fait des plombes qu’on est en première ligne, on se fait marmiter à longueur de journées !
On n’en a pas fait assez ?! Qu’est qu’ils attendent ?! Qu’on soit tous cannés ! Et elle est où la relève !
VERNET : Il n’y aura pas de relève (Stupeur dans le groupe. Un temps)
ALEXANDRE : Pas de relève ?!
VERNET : Pas aujourd’hui.
FLEURY : Ca veut dire quoi ? Qu’on remet ça ?
VERNET : Ce soir.
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De Cœur et d’Âme…
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GABRIELLE : Seigneur mon Dieu, veillez sur Justinien...
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JUSTINIEN :
Je vois ton sourire Gabrielle… Ton sourire qui a su me séduire…
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Ce chemin qu'on a parcouru ensemble…
Louis notre petit ange.
Le bonheur…
Mon cœur déborde de toi mon amour.
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France
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VERNET :
Je les vois moi aussi ces ruines, ces charniers… Et cette odeur de mort qui monte du front…Elle ne me quitte plus… Je la pèse moi aussi la souffrance…
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Les existences liées par une même pensée, dirigées vers un même but deviennent éternité... Et c’est ainsi pour la France... On pourra la ruiner, la démembrer ; d’eux-mêmes, les morceaux viendront se recoller, d’eux-mêmes les survivants liés par l’idée d’une France éternelle relèveront ses ruines.
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Un dernier effort… C’est un dernier effort qui est demandé au 101eme.
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Le Feu
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JUSTINIEN : On va en réchapper gafet ! Tornaren !
Tu verras quand tout ça sera fini tu viendras chez moi goûter le vin de mes vignes.
PIALOT : Tiens, bois un coup de gnole
JUSTINIEN : Pialot ! Tu as l’adresse de chez moi ?
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La Mort du Soldat
Accompagnée par l’accordéoniste Christine Posocco, Véronique Pain interprète
« Quante Volte » de Bellini
Parmi il brillar del giorno
L'aura che spira intorno
Mi sembra un tuo sospir
…Est pour moi la lumière du jour et l'air autour de moi
est comme un soupir de toi.
L'équipe
Texte et Mise en scène : Jacques Brun
Décor et Création Lumière : José Guardiola
Création Vidéo : Nicolas Crespo
Costumes : Christabelle Saint Loup
Accessoires : Gérard Gomez
Recherche Son : Sébastien Rexovice
Traduction Français Occitan : Jérôme Sanchez
Recherche Documentaire : Patrick Gominet, Françoise Brun
Avec :
Charlotte Perrin de Boussac : Gabrielle
Jérôme Sanchez ou Grégory Nardella : Soldat Justinien Poujol
Didier Lagana : Lieutenant Moïse Vernet
Éric Colonge : Soldat Fleury Barthes
Philippe Maynadié : Lubin
Alexandre Fidel : Soldat Alexandre Jalabert
Mickaël Viguier ou Marc Delpech : Soldat Pialot
Arthur Martinez : Louis Poujol
La Chanteuse Véronique Pain ou Emmanuelle Guillier
Ainsi que l’accordéoniste Christine Posocco ou le pianiste Philippe Brun
Presse
18 photos
crédit photos: Stéphane Maxence
Regard d'artiste